Pourquoi les aventures de Mona sont-elles truffées de mots d’anglais et d’expressions vieille France alors qu’elle est censée avoir 20 ans ?
C’est à la fois inconscient et délibéré.
Pour les anglicismes, ce n’est pas très compliqué. Je lis beaucoup en anglais et j’écris même parfois en anglais, alors, mon cerveau aime bien jouer avec ces mots-là aussi. Et comme Mona est américaine, je ne vais pas me priver d’émailler le texte d’une quantité raisonnable de mots anglais (vraiment pas beaucoup, au bilan, lorsque l’on fait le compte). J’ai réussi à me convaincre que ça ajoutait un peu de couleur locale. Une entité taquine et urticante en moi veut peut-être suggérer aussi que ce n’est pas grave de ne pas comprendre tous les mots, qu’on vit dans un monde ouvert et que c’est sain de lâcher prise sur le langage, un peu, de temps en temps.
Pour les expressions françaises imagées voire désuètes… je suis la première surprise. J’en utilise toute l’année, mais pas à ce point-là, pas comme dans les aventures de Mona. Une connexion s’est établie dans ma tête entre le style rentre-dedans sans chichis de cette héroïne et la truculence des expressions de mon enfance. J’ai eu la chance de grandir près de quelques amoureux des mots et du langage, et à une époque où tout n’était pas perpétuellement neuf. J’ai fréquenté la rouge et or, j’ai emprunté des livres qui n’étaient pas parfaits pour moi ou pour mon âge, j’ai lu tous azimuts juste pour avoir des choses à me mettre sous la dent. Les livres étaient plus chers avant internet et c’était compliqué, à la bibliothèque, de mettre la main sur les dernières sorties. (Ouais, je suis vieille). Donc parfois il fallait accepter de repartir avec un bon Solejnitsyne au lieu de la nouveauté convoitée, et c’était très bien aussi (surtout sur la plage :D). J’ai été exposée à des langages différents et mon imagination a accumulé de la donnée. Parfois elle s’amuse à s’en servir. Et puis si j’ai envie d’écrire comme ça, d’où je m’en empêcherais ? Ce ne serait pas très Mona Harker de me brider sur les formulations.
Maintenant que mon subconscient se sent autorisé à employer les expressions du 19e siècle dans les histoires de Mona, il n’y a plus de limites. Donc désolée si elle a à la fois 20, 40 et 90 ans. Après tout, il y a une forme de sagesse intemporelle en elle, dans la façon dont elle ne se laisse impressionner strictement par rien du tout. Elle est certes jeune et immature, pas assez élégante ni policée, mais elle a aussi compris une vérité fondamentale : quand on veut arriver quelque part, il faut y aller et puis voilà.