S’y mettre

J’ai arrêté de fumer plusieurs fois et c’était moins difficile que de me mettre à ma table de travail tous les matins.

Pourtant j’adore ce que je fais, j’ai conscience de l’immense privilège dont je bénéficie : j’ai devant moi une année, ou deux, ou plus si je me débrouille bien, à consacrer à l’écriture. Hors de question de gâcher cette chance inouïe.

Une fois que je suis au travail, tout roule : je n’ai pas vraiment à rougir de ma “productivité”. Passées les premières coquilles martelées avec des doigts gourds, les mots ne tardent pas à couler, et plus je m’immerge dans l’écriture, plus c’est facile. Le plus compliqué, ce sont ces deux premières minutes qui pourraient durer des heures, si je les y autorisais.

Ce n’est pas vraiment un problème de motivation, mais plutôt une question d’état d’esprit. Voilà les trucs que j’emploie pour m’y mettre, en cas de difficulté.

Fesses > chaise

Je ne vous ressers pas “éteignez internet et posez vos fesses dans une chaise”, bien que ce soit tout de même la seule chose à faire. C’est aussi la raison pour laquelle C.C. n’écrit pas de billet sur ce sujet. À partir du moment où elle a décidé de faire quelque chose, elle le fait. Avec moi, ça ne marche pas, donc voici — mes stratégies pour entrer dans l’écriture sans y penser.

Problème > plan d’action

Si quelque chose coince, j’essaye d’identifier le problème, parce que c’est généralement pratique pour lui trouver une solution. Si le blocage est lié au stress ou à la trouille, je le détaille sur un coin de papier. Mes pires craintes, les sujets qui m’empêchent de me concentrer, je jette tout pêle-mêle sur une feuille. Ensuite je réponds à chaque problème, point par point.

S’il s’agit d’un sujet de préoccupation légitime et concret, je décide d’une solution précise et d’une échéance pour la mettre en oeuvre.

Peur > riddikulus

Si j’ai peur, j’essaye d’aller jusqu’au fond de ma logique. Je considère le scénario du pire, qui est bien souvent risible. En France, on ne peut pas vraiment se mettre en danger en écrivant des livres. C’est à peu près l’activité la moins risquée que l’on puisse avoir. Sauf si l’on oublie tout à fait de bouger, mais curieusement, l’infarctus n’est jamais le premier danger à me terrifier.

En général, l’examen de ma trouille suffit à me barber à tel point que je suis soulagée de me mettre au travail pour y échapper. Durée totale de l’exercice : 5 minutes.

Si vous cherchez un bon livre sur la peur et la résistance que nous rencontrons tous lorsque nous nous mêlons de création, je recommande The War of Art, de Steven Pressfield.

Incertitude > préparation

Plus fréquemment, ce qui me freine le matin, c’est de ne pas savoir où je vais. J’essaye de progresser sur ce point en ce moment. C’est lié à mon processus largement improvisé, mais si je faisais un plan, ça ne marcherait pas mieux. Je ne suis tout simplement pas assez dans l’histoire, et j’ai besoin d’y entrer en utilisant des stratagèmes pour berner ma propre flemme. J’essaye de ne pas quitter ma table de travail trop en chantier le soir, avec un texte trop brut de décoffrage que je trouverai fastidieux de relire ou de retoucher le matin suivant. J’essaye de noter ce qui s’est produit la veille dans l’histoire pour ne pas avoir à me relire — en tout cas pas avant le 3e café.

Raideur > échauffement

Parfois, cela m’aide de commencer à écrire à la main, un peu n’importe quoi, voire même de faire des petits dessins. Parfois, marcher aide aussi, et dicter (plus de détail là-dessus dans le prochain billet). Le tout, c’est de prendre un peu d’élan et de retrouver l’énergie d’une histoire.

Trouver un jeu

En règle générale, rendre les choses ludiques m’aide à avancer. La compétition marche bien sur moi. C’est même ce qui marche le mieux. Peut-être que ça vous aiderait aussi ? En tout cas, si vous voulez faire la course, n’hésitez pas à vous manifester, je serai toujours partante 🙂