Le monde de Mona Harker, Vegas Paranormal, est un univers partagé et co-créé avec C.C. Mahon. C.C. raconte sur son blog comment nous fonctionnons, et moi aussi j’ai écrit un billet sur ce thème ici. Il ne me reste donc plus qu’à essayer de tirer de notre expérience quelques enseignements qui vous seront peut-être utiles si vous envisagez, vous aussi, une collaboration créative.
Avec qui ?
De préférence, à mon avis, avec quelqu’un que vous appréciez et que vous cernez bien. Voire très, très bien. C.C. et moi nous connaissons depuis 10 ans — depuis le Nanowrimo 2008. Cela fait des années que nous nous retrouvons régulièrement pour parler d’écriture, de nos progrès en la matière, de nos livres et projets en cours ou futur, des difficultés et blocages que nous rencontrons ou de nos succès. Autant dire que nous commençons à bien nous connaître, et je pense que c’est essentiel pour entamer une collaboration. Tous les auteurs sont différents, chacun a ses forces et ses faiblesses, ses zones d’expertise, et ce qui fonctionne pour une personne ne marchera pas pour une autre. Je suis nullissime en planification, mais plutôt forte pour lâcher prise à l’intérieur d’une histoire. Pour C.C., c’est plutôt l’inverse, même si nous faisons des efforts pour progresser toutes les deux (et d’ailleurs ça marche plutôt bien, pour elle en tout cas. Mon sens de l’organisation est sans espoir).
En réalité, nous avons commencé à collaborer bien avant Vegas Paranormal. C.C. est déjà ma première lectrice (et réciproquement). Les choses sont souvent compliquées dans ma tête et je sais que je peux compter sur elle pour m’aider à simplifier. Je sais qu’elle fait généralement un baby blues dans les 27 heures qui suivent la fin d’un livre, donc quand c’est le cas, je peux lui rappeler que tout va bien et qu’une dépression n’est peut-être pas nécessaire.
Partant, lorsque nous entrons en conflit sur des points de scénario (oui, ça arrive, c’est plutôt inévitable), nous avons tendance à régler cela de manière bienveillante et en adultes. Enfin, je crois 🙂 Nos caractères pacifiques et nos univers très proches nous aident à dédramatiser. Je sais que C.C. va détruire Las Vegas en 3 livres et j’ai déjà fait la paix avec cette notion (non, je rigole, j’ai trop envie d’une apocalypse magique kitsch en plein désert et j’ai du mal à réfréner mon enthousiasme).
Selon quelles modalités ?
C’est à la carte, évidemment.
Dans certains attelages, les auteurs se partagent le travail de façon verticale et séquentielle. Le plan de l’histoire est discuté ensemble, et un des auteurs s’occupe du premier jet, puis le deuxième se charge de peaufiner l’écriture. Sean Platt et Johnny B. Truant travaillent de cette façon (je les cite à toutes fins utiles parce qu’ils ont beaucoup documenté leur processus dans leur podcast et leurs livres de non-fiction, ça peut vous intéresser si vous parlez anglais.) Je comprends qu’ils misent sur l’engouement de l’un pour les concepts, le paramétrage d’un univers et d’une histoire, la vision marketing, et sur la grande capacité de l’autre à s’immerger dans une histoire et à atteindre ses objectifs.
D’autres tandems écrivent en alternance, chaque auteur prenant en charge le point de vue d’un protagoniste pour un chapitre. Cela permet de tirer parti des différences de style pour donner à chaque personnage une voix bien à lui. Lilly Sweet et Kaléna ont collaboré de cette façon, me semble-t-il.
C.C. et moi aimons toutes les deux écrire (donc pas question de céder tout le fun du premier jet à l’une ou l’autre) et par ailleurs, nos modes de fonctionnement sont radicalement différents. Elle planifie et j’improvise (plus de détails dans le prochain billet). Elle fait toujours ce qu’elle a décidé et moi… je suis allergique aux to-do-lists trop strictes. Par ailleurs, nous entendons rester bonnes amies. Nous avons donc opté pour une collaboration peu plus libre.
Vive l’indépendance
Nous nous contentons donc de cocréer notre univers et ses règles. C’est une collaboration light… et cependant, déjà structurante pour nos histoires. Nous nous relisons l’une l’autre pour vérifier que nos livres s’imbriquent correctement. Nous communiquons constamment et établissons des bibles de série que nous partageons. Et nous nous empruntons allègrement des personnages secondaires. Mais nos séries sont distinctes.
Accessoirement, cette option nous permet aussi de ne pas nous lancer dans une entreprise comptable complexe lorsque nous vendons des livres. Même si l’on sort là du domaine de la création stricte, c’est une considération à prendre en compte, car la comptabilité n’est ni son superpouvoir, ni le mien ;-P
Je suis très contente de ce mode de fonctionnement et je pense qu’il va nous permettre d’écrire des histoires captivantes. En tout cas, les premiers retours sont très bons.
Et vous ? Avez-vous déjà testé la collaboration littéraire ? Est-ce que cela vous tente ?