#50livres dans ma boutique au 31/12/2024 : c’est parti !

Déjà cinquante : eh oui

Il y a quelques semaines, j’ai décidé de me fixer un challenge : avoir 50 livres dans ma boutique à la fin de cette année. Je ne compte pas les nouvelles solo, pas les bundles, pas les recueils dans lesquels je n’ai qu’une nouvelle. Je compte uniquement les romans et les recueils de nouvelles, et les novellas (j’ai tendance à les faire plutôt longues).

Je sais que j’ai écrit ces 50 titres en français, mais c’est le truc avec les livres : plus il y en a, plus c’est difficile de battre le rappel. C’est un peu comme un troupeau de singes, en fait. Je sais que les livres sont là, j’ai du mal à les compter. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sont pas tous à leur place dans la boutique. Alors, j’ai décidé d’en rajouter un par jour sur lunefraise jusqu’à ce que le compte soit bon.

On commence avec Mages de la rue Monge

Ce soir, j’ai tout arrangé pour que le tome 1 de Mages de la rue Monge, Le reflet, soit commandable sur lunefraise.com.

Mages est une série de witch-lit, ma deuxième après Sorcières & Chasseurs, et ça n’a pas grand chose à voir en termes de ton. C’est loufoque et parfois paradoxal, avec des rebondissements, des romances dans tout les sens, et des accents doudoudark dans les coins. Tous les personnages ne s’en sortent pas indemnes.

Ours mal léché

Mais là c’est le tome 1, et voilà un extrait un peu au pif. C’est Camille qui parle : un groumpf d’un mètre quatre-vingt-dix.

CAMILLE 

Je détache mon regard des mèches humides sur le cou d’Alex quand elle se retourne, une expression dégoûtée sur le visage. Le soleil est encore haut et chaud et elle a visiblement beaucoup couru. Dans sa tenue de working girl et avec ses talons, ça relève de la magie noire. Je fais deux pas vers elle et prends une des deux sacoches. Tout à l’heure en quittant cette drôle de réunion j’ai fait exprès de partir en lui laissant tout ce fatras. J’ai songé un instant embarquer un des deux gros sacs, et j’y ai renoncé sciemment. J’étais énervé, stressé, j’avais envie de me venger en faisant souffrir quelqu’un un peu au hasard, et c’est tombé sur cette bonne Alex. Voilà, je le confesse, j’ai recouru à ce geste passif agressif pas très reluisant qui nous a fait à tous les deux, je suppose, rater le dernier train.

Je savais qu’elle risquait de le manquer. Ce que je ne savais pas, c’est que cela la mettrait dans un tel état.

— T’aurais pu l’avoir, toi, me lance-t-elle à nouveau sur un ton de reproche.

— J’aurais pu l’avoir, mais je n’allais pas te laisser ici au milieu de nulle part dans cet endroit mal famé.   

Pause dans la conversation tandis que nous regardons autour de nous. On ne fait pas moins mal famé, en matière d’endroits. Il y a peut-être des villages suisses mieux rangés ou plus fleuris, mais j’en doute. Tout est tellement propret et parfait qu’on dirait un décor de cinéma.

Je ne sais pas quoi faire de cette Alex, avec ses mines de sainte-nitouche et ses attitudes de bonne élève, toujours le doigt en l’air, la tête apparemment farcie de petites attentions et de formules de politesse. Ça ne peut pas être sa vraie nature. Personne n’est comme ça dans la vraie vie, gentil, prévenant, toujours poli. C’est un masque.

Remarque, ce train raté semble la contrarier au point de la faire sortir de ses gonds.

— On dirait que tu t’en fous, lance-t-elle sur un ton de reproche alors que nous nous mettons en marche dans la direction indiquée par Google Maps, le poids de notre matériel mieux réparti entre nous à présent.

— De rester coincé ici ce soir ? C’est quand même pas la fin du monde, si ? C’est un endroit plutôt agréable. Ça fait comme une escapade en semaine, comme un week-end ou des microvacances.

— Je suppose, oui, si on a besoin d’une escapade. Moi, dit-elle sur un ton où perce une drôle de douleur, j’avais des plans à Paris ce soir.

Je ne demande pas lesquels, parce que la vie d’Alex ne me regarde pas. Mais mon cerveau essaye quand même d’imaginer. Une soirée entre copines ou un enterrement de vie de jeune fille. Pas important, sauf si Alex est le témoin par exemple. Ou bien elle a invité des gens à dîner chez elle, et elle va devoir annuler. Je pense bien que ce genre de contretemps rendrait dingue une personne comme Alex. C’est pas poli d’annuler à la dernière minute, et tout est poli chez elle.

— Ouais, je dis, ben moi aussi j’avais des plans, et puis après ? C’est pas la fin du monde. Tu reportes et la Terre continue de tourner.

Au même moment, mon téléphone sonne. C’est tante Clothilde, évidemment. Je décroche en soupirant.

— C’est malin, dit-elle sans préambule. Tu l’as fait exprès.

— Je suis désolé, dis-je. Vous n’avez qu’à faire sans moi.

Est-ce que je l’ai fait exprès ? Je n’en suis pas tout à fait certain. J’avais l’intention de rentrer. Peut-être. Oui, c’est vrai que j’ai un peu traîné chez le client, j’ai posé trop de questions, j’avais cette impression désagréable que quelque chose ne tournait pas rond, et pourtant, je n’arrivais pas à identifier le problème.

Mais sinon j’ai fait ce que j’ai pu, j’ai même couru après ce fichu train. Et pourtant, au dernier moment, je n’ai pas pu monter dedans.

— Cam, on ne peut pas faire ça sans toi.

— Ben si. T’y arrives très bien d’habitude.

— Mais c’était TA soirée, espèce d’andouille !

J’explique patiemment :

— La soirée est à tout le monde, pas juste à moi. Faites ce qui vous amuse. Tout va bien.

— Tu sais très bien ce que je veux dire, gronde tante Clothilde.

Bien sûr que je sais. Elle voulait me faire prêter serment, m’initier à son truc, me faire rentrer dans sa grande dynastie des Jonas, et j’ai pas forcément envie.

En arrière-plan, j’entends ma mère qui grommelle quelque chose du style tous les ans la même chose, typique de Cam, j’en étais sûre. 

— Cam, reprend Clothilde, tu vas encore perdre une année précieuse. Tu risques de t’en mordre les doigts. Tu ne peux pas rester comme ça entre deux eaux ad vitam. Ça va finir par être dangereux pour tout le monde. Pour toi, mais aussi pour ton entourage.

— Je sais, dis-je, déjà exaspéré par cette conversation. Mais j’ai vraiment rencontré un authentique problème qui m’a empêché de venir, et ce n’est tout de même pas moi qui impose des travaux ferroviaires toutes les nuits sur ce segment du réseau.

— Mais tu as toujours un prétexte, observe Clothilde. L’an dernier c’était ton accident de voiture, l’année d’avant…

Elle a un de ses fameux trous de mémoire et ma mère complète en arrière-plan sonore — l’inondation, l’année d’avant c’était l’inondation, et l’année d’avant il a fait une méningite foudroyante, et l’année d’avant… 

Clothilde la coupe :

— L’année d’avant c’était encore plus abracadabrant, mais au moins tu t’étais donné du mal. Et là, ton excuse, c’est quoi ? « J’ai raté le dernier train à cause d’une fille ? » Tu baisses, mon neveu.

Je jette un coup d’œil à Alex. Clothilde a parlé très fort et j’espère qu’Alex n’a rien entendu, mais elle continue à marcher d’un air stoïque. Nous dépassons une maison particulièrement énorme, avec sous le toit une verrière à tout casser. Si j’avais un atelier pareil, je serais partagé entre le désir de peindre toute la journée et celui d’y foutre le feu.

Hum, c’est pas le moment d’entretenir ce genre de fantasmes, pas avec Clothilde qui perçoit quasiment toutes mes pensées au téléphone ; ça va encore compliquer la situation. Je me jette sur la fausse piste idéale en protestant avec un peu trop d’énergie :

— C’était pas à cause d’une fille.

— À d’autres, ricane Clothilde, cependant que ma mère, en fond sonore à son habitude, menace une nouvelle fois de me déshériter enfin.

Malheureusement, je sais qu’elle ne le fera pas. Ça résoudrait pas mal de problèmes, en réalité.

— Écoutez, dis-je, j’y peux rien. Je suis mon instinct. C’est pas ce que vous m’avez toujours dit de faire ?

Un soupir profond me répond.

— Cam, reprend patiemment Clothilde, il y a instinct et instinct. Parfois il faut se rendre aux forces de la nature et du destin, et savoir mettre sa pétoche de côté, mon garçon. Je t’ai senti hésiter toute la journée, et ça me rend dingue. Ce serait plus simple si tu acceptais les choses que tu ne peux pas changer, et si tu rentrais à la maison sans faire d’histoire. Plante la fille et prends un taxi, je te l’offre. Tu peux encore être à la maison avant minuit. Le budget n’a pas d’importance. Finissons-en une fois pour toutes. Tiens, passe-la-moi, je vais lui expliquer.

Je fais un bruit estomaqué.

— Certainement pas. Laissez-la en-dehors de tout ça, la malheureuse.

Alex commence à lancer dans ma direction des regards intrigués, mais tant pis. Je préfère gérer un sous-entendu inconfortable que de laisser une brèche à tante Clothilde. Elle ne doit pas se douter de la vraie raison pour laquelle je ne suis pas encore à la maison à souffler sagement mes vingt-cinq bougies.

Clothilde a entamé le couplet habituel sur les deux mondes différents qui ne doivent jamais se rencontrer, sur les dangers de l’indécision.

Je soupire.

— Stop, tante Cloclo, pas la peine de t’embarquer dans un grand sermon. Je rentre demain. T’inquiète pas. Je vais juste fêter ça en passant une nuit au vert, et puis voilà. On se reparle demain.

Et sans écouter les protestations, je raccroche.

Entre temps nous avons remonté toute cette jolie avenue bordée de grands arbres majestueux. Alex bifurque à gauche.

— Euh, je fais, c’est à droite ici.

Je lui montre l’écran de mon téléphone avec les indications du GPS.

— Mais non, dit-elle.

Je m’approche pour lui faire voir la carte.

— Euh, si. C’est pas très étonnant que t’aies loupé ton train avec un sens de l’orientation pareil.

Elle secoue la tête, comme si j’étais la goutte qui fait déborder le vase, mais se rend à mon argument et nous prenons à droite.

Cinquante mètres plus loin, elle engage à nouveau la conversation.

— Alors, fait-elle, qu’est-ce que tu rates, toi, ce soir ?

Je fronce les sourcils.

— Rien de si spécial, pourquoi ?

— Je ne sais pas, dit-elle, ça avait l’air intense, ta discussion téléphonique.

— Oh, ça… c’est juste la famille. Les exigences et les coups de pression normaux d’une famille nombreuse. S’ils te filent pas de la tachycardie ils ont l’impression qu’ils ne t’aiment pas assez.

Elle n’a pas l’air de partager mon avis sur la famille et semble plutôt perplexe. Il faut dire qu’on n’est peut-être pas tout à fait une famille typique.

— Mais t’avais un truc à fêter ce soir ?

Je fais la moue.

— Bof, c’est juste mon anniversaire.

— Ton anniversaire ? C’est aujourd’hui ?

— Yep. Le 24 juin. 

— Sérieux ? Et ta famille t’attend ? Et t’es pas dégoûté d’être coincé ici ?

Je soupire.

— Non, pas vraiment.

Tante Clothilde bourrée qui ne se rappelle plus si elle est elle ou si elle est toi, ma mère au summum du pessimisme parce qu’elle voit bien que ce n’est pas encore cette année que je vais sauter le pas, et mes cousines qui font la gueule parce que tous les ans à la même date elles sont obligées de me babysitter…

Mon téléphone émet un ping depuis les profondeurs de ma poche et je sais déjà que le texto émane de ma tante. Clothilde a érigé l’esprit d’escalier au rang de discipline olympique. Il faut dire que capter les émotions voire les pensées de tout le monde tout en étant soi-même affligée d’une mémoire de poisson rouge, ça ne doit pas l’aider pas des masses.

J’ignore son SMS. C’est sûrement une mise en garde fantaisiste pour me faire flipper et changer d’avis.

— Ah, fait Alex en levant le nez, ça doit être l’auberge.

C’est un relais de carte postale, avec des volets pimpants et une fontaine dans un abreuvoir. Le chemin qui mène à l’entrée est flanqué de deux statues de marbre blanc qui représentent des jeunes filles. Et il ne faut pas être allergique aux géraniums. C’est comme le reste de ce bled. Surréaliste.

— Je parie qu’ils ont des chambres hyper confortables, dis-je en attaquant l’allée de graviers.

Si vous voulez le reste, tous les liens sont ici. 

 

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