S’y mettre : grand débugage

En l’honneur du Nanowrimo, une checklist très concrète pour ceux qui ont du mal à s’y mettre (=tout le monde).

C’est de la physique nucléaire, couplée à de la magie.

C’est l’heure d’écrire. Vous avez arraché un fragment de temps et d’espace au chaos, au patriarcat et au capitalisme. BRAVO. 

Vous avez au moins 10 minutes devant vous (si vous avez tout juste 10 minutes, allez m’écrire un paragraphe TOUT DE SUITE au lieu de lire mes bêtises).

Maintenant, tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de « vous y mettre ».

Comme beaucoup d’actions très simples, si simples qu’il semble ridicule d’essayer de les décrire avec des mots, « s’y mettre » est en réalité très compliqué. C’est vrai. Le cerveau humain est compliqué et le cerveau artiste est 8e dan de Compliqué. 

Mais c’est aussi très basique. J’ai décomposé tout ça en actions simples pour vous. Il n’y a qu’à suivre le chemin balisé. Hop, hop, hop, on s’y met.

S’y mettre c’est : 

1. Ouvrir le fichier. Scrivener, word, etc. selon vos choix technologiques.

Troubleshooting :

  • Essayer d’ouvrir le bon fichier, c’est le niveau 2 de difficulté. Suivez votre instinct, mais en cas de problème cf. le point 2.
  • Le fichier ne s’ouvre pas. Il y a des mises à jour. Eh, il valait mieux qu’on s’en rende compte maintenant plutôt que dans 1h, non ?
  • « Je ne peux pas, je suis paralysé.e par la peur » : en réalité, il est prouvé que scientifiquement que la peur n’empêche pas d’ouvrir un fichier. C’est un peu comme allumer un interrupteur. Il y a un bouton. Votre état d’esprit au moment de l’actionner est sans effet sur le résultat : la lumière s’allume. Le fichier s’ouvre.

2. Regarder le fichier. 

Débugage :

  • Regarder est une action qui s’effectue avec des yeux ouverts. Un café ou une série de 10 pompes peuvent être requis. C’est légal, mais pas réellement indispensable. 
  • C’est le bon fichier ? L’histoire en cours ? Plusieurs options possibles ici : 
    • A) Présence d’une deadline. Y a-t-il sur le bureau un indice ? Une liste de choses à faire avec un titre de livre dessus ? Un vague souvenir de quelque chose ? Si ça ne vous saute pas aux yeux, ça veut peut-être dire que non. 
    • B) Sinon c’est good : l’histoire n’est pas importante et la bonne nouvelle c’est que vous pouvez écrire CE QUE VOUS VOULEZ. 
    • C) Si un fichier s’ouvre tout seul à l’allumage de l’ordinateur, c’est généralement là qu’il faut aller. C’est la dernière version ? Parfait.
  • Quel jour, quelle heure sommes-nous ? j’ai payé ma taxe d’habitation ? Et les factures de la cantine ? est-ce que la cuisine, les toilettes sont propres ? etc. 
    • Ma réponse, vous n’allez pas l’aimer : PAS D’EXCUSE. L’univers n’existe pas. Souvenez-vous que vous l’aviez préalablement envoyé bouler pour vous dégager du temps d’écriture. On ne va pas le faire deux fois. Sauf si le toilette est en train de fuir par en bas (la chasse d’eau ça ne compte pas) ou qu’un enfant pleure pour une raison légitime, ou s’il y a du sang ou du feu ou des gens qui hurlent en se tapant dessus. Sinon tout va bien, c’est l’heure d’écrire. 
    • L’échéance pour la taxe d’habitation, si vous faites partie comme moi des poires qui la payent encore cette année, c’est aujourd’hui, mais après l’écriture. 
  • Et si jamais je plongeais dans le texte et que je n’émergeais que trop tard en ayant oublié les enfants, oublié la taxe d’habitation, le rendez-vous chez le dentiste, le fichier à renvoyer à un client, oublié de respirer ?… 
    • C’est un vrai problème, mais oserais-je dire que c’est un problème de riche ?
    • La technologie propose des solutions d’alarme et de réveil qui fonctionnent bien, si vous êtes du genre distrait, utilisez-les et relaxez-vous.
    • Tout va bien, vraiment. Prendre du temps d’écriture est certes égoïste, amoral, voire illégal, mais maintenant que c’est fait, c’est fait. Si vous êtes d’accord, assumons ce que nous sommes.

3. Poser son séant dans un fauteuil adapté.

Il est extrêmement important sur le long terme d’avoir une position d’écriture qui protège votre corps. Quittez-moi immédiatement ce canapé. Renseignez-vous sur la question (mais plus tard). 

4. Trouver le clavier & placer ses doigts dessus. 

Il est généralement localisable sous la pile de livres, de factures (mauvaise pratique de rangement) et de petits cadeaux mignons lagomorphes fabriqués par les enfants.

5. Trouver le dernier paragraphe écrit pour le relire.

Attention, ça devient technique. Dans mon expérience, la longueur du paragraphe à relire dépend du laps de temps qui s’est écoulé depuis la dernière séance d’écriture. Il faut en lire assez mais pas trop, il faut que ça aille vite. Mais en général, un demi-chapitre ou un chapitre suffit.

Les questions à se poser (vous allez voir, je vais vous faire gagner du temps pour plus tard) :

  • Dans quelle langue est-ce écrit ? à quel temps & personne ?
  • Est-ce qu’il y avait un plan ? est-ce que j’ai besoin d’un plan ?
  • Qui est le personnage qui parle ? 
  • Où est-il/elle, que fait-iel, et avec qui ? Que perçoivent ses cinq sens ?
  • est-iel blessé.e, habillé.e ou tout.e nu.e (ça arrive à des gens très bien), a-t-iel reçu récemment un relooking, une coupe de cheveu ou une nouvelle contrariante ? A-t-iel encore tous ses bras, ses jambes, ses ailes ?

6. Écrire la phrase suivante.

Un indice : sujet, verbe, complément(s) de tout poil, et à la fin, un point. 

Ce n’est pas une phrase pour tenir la place en attendant d’avoir une meilleure idée : non, c’est ce qui arrive après dans l’histoire. C’est une conséquence naturelle de tout ce qui a précédé et sa nature, en revanche, n’est pas importante. 

7. Répéter l’étape 6 jusqu’à accélérer, ricaner comme une andouille ou n’en avoir plus rien à faire du toilette qui fuit.

Félicitations : vous vous y êtes mis.e. Je parie que ça a pris moins de cinq minutes.

8. Continuer pour rester dans l’histoire et ne pas avoir à reprendre à l’étape 1 qui était, en fait, la plus difficile.

Vous pensez que je schématise mais en fait, non. 

Voilà. Bien joué.